LE CAFOUILLAGE
Le rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale avait fait voter (cf. notre bulletin), en commission, un amendement de suppression du dispositif fiscal de la loi Malraux pour toutes les dépenses réalisées après 2020.
C’était une atteinte rétroactive inouïe à la sécurité juridique des contribuables qui avaient fait confiance à la loi et s’étaient engagés depuis 2017 jusqu’à ce jour, sur les quatre années prévues par le dispositif fiscal.
Probablement alerté de la gravité de ce qu’il avait fait voter le rapporteur général (LREM) a fait adopter un nouvel amendement reportant la date de fin à 2023. Cela permettait au moins de finir les opérations engagées mais mettait fin à toute nouvelle opération dès 2020.
LE RETRAIT
Les réactions aux conséquences désastreuses de cette atteinte à un dispositif d’intérêt général n’ont heureusement pas manqué.
Le retrait espéré est arrivé très vite : en séance publique à l’Assemblée nationale, le 18 octobre dernier, le rapporteur général a, lui-même, retiré l’amendement qu’il avait fait adopter (deux fois) précédemment. C’est une bonne nouvelle. Dont acte.
UN DÉVOIEMENT DU RÔLE DE LA LOI
Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l’article 7 du PLF qui prévoit de « limiter dans le temps des dépenses fiscales (pour) rendre effective l’exigence d’évaluation ». Autrement dit, comme l’avoue le rapporteur général, il s’agissait d’« une sorte de provocation pédagogique ».
Pourquoi ne pas avoir organisé le processus d’évaluation plutôt que passer par ce raisonnement spécieux ?
Sur la forme, c’est une atteinte au respect dû à la loi que de l’instrumentaliser de cette manière.
SUR LA QUESTION DU FOND
Le rapporteur général a déclaré qu’il s’agissait « d’un trou noir fiscal », « nous ne connaissons ni le nombre de bénéficiaires, ni le montant et dont je présume qu’ils peuvent être extrêmement importants ». Pourquoi une telle déclaration alors que l’administration dispose de toutes ces informations qui sont portées sur les déclarations fiscales et les avis d’imposition ? Pourquoi ne pas solliciter l’administration plutôt que d’en reporter la responsabilité sur le contribuable ?
(Vidéo du débat de 03h03’’10 à 03h08’’33).
Cela dit, il ressort de rapports établis ces dernières années que ce dispositif fiscal ne coûterait que quelques dizaines de millions d’euros. Une dépense très modeste au regard des bénéfices évoqués et, de plus, largement compensée par les recettes en TVA, droits d’enregistrement, impôts des entreprises et cotisations sociales versées pour les salariés.
ACTUALITÉ DE LA LOI MALRAUX
Comme évoqué dans un précédent bulletin, la loi Malraux est plus que jamais d’actualité.
Elle contribue efficacement aux objectifs de la loi ELAN, rappelés dans une récente instruction du gouvernement du 29 juillet dernier qui rappelle la nécessité de lutter contre l’étalement urbain, de travailler à la restauration et à la redynamisation des centres villes, à la préservation du patrimoine et à tout ce qui fait l’originalité et l’attractivité de nos centres anciens.
Elle est également en accord avec les Opérations de Revitalisation de Territoire (« ORT ») dispositif voté par le Parlement qui permet de lutter contre la dévitalisation des centres villes ainsi qu’avec le dispositif Denormandie qui vise la restauration du patrimoine bâti.
Les bénéfices exceptionnels de la loi Malraux
Les centres historiques qui bénéficient de la loi Malraux lorsqu’elle peut s’appuyer sur son volet fiscal témoignent pour elle.
Que ce soit d’un point de vue patrimonial ; du cadre de vie ; des centres villes ; du logement ; etc. la loi Malraux n’a plus rien a prouver.
Mais à cela, il faut ajouter le maintien et le développement d’un tissu économique d’entreprises. Faut-il ajouter qu’il s’agit d’emplois généralement qualifiés, non délocalisables, et nécessitant des savoir-faire pérennes ?
Cet avantage fiscal qui n’est qu’une contrepartie au surcoût des travaux « Malraux » supporté par des particuliers, au bénéfice de l’intérêt général, est donc un levier indispensable procurant d’importants bénéfices pour la collectivité.
Le nécessité de règles pérennes
Cette manière d’instrumentaliser la loi n’est pas sans graves conséquences.
Programmer à court terme la fin d’un tel dispositif, simplement pour obtenir des informations entre les mains de l’administration, c’est :
–jouer inconsidérément avec l’avenir des entreprises et des emplois ;
–casser un outil industriel et des savoir-faire qui nécessitent du temps, de la formation et de l’investissement.
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