Depuis l’arrêt du 15 septembre 2011, C-180/10, « Slaby », seules les opérations immobilières réalisées dans le cadre d’une activité économique, c’est-à-dire réalisées par des assujettis agissant en tant que tel, sont soumises à la TVA immobilière.
Par principe, une cession réalisée par un particulier est présumée ne pas constituer une activité économique. Une telle présomption peut être renversée si le cédant entre dans une démarche active de commercialisation permettant de considérer qu’il n’est plus dans une démarche patrimoniale mais qu’il concurrence les professionnels.
Deux arrêts récents, l’un rendu par la CAA de Bordeaux le 20 mai 2020 n°18BX1002 et l’autre par le CE le 9 juin 2020 n°432596, montrent que la délimitation n’est pas toujours aisée. Dans des circonstances assez proches de revente par des particuliers de parcelles après travaux de viabilisation, les solutions rendues sont opposées.
Le CE, dans son arrêt du 9 juin, a estimé que la seule importance des travaux de viabilisation réalisés permettaient de soumettre les cessions de terrains à bâtir à TVA malgré l’absence de moyens de vente professionnels.
L’occasion de revenir sur les critères posés par la doctrine qui précise à cet égard (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10-20120912 § 60 et 70) que:
- Est présumé ne pas réaliser une activité économique « un particulier qui cède des terrains qu’il a recueillis par succession ou donation, ou encore qu’il a acquis pour son usage privé »;
- Le fait que « préalablement à la cession, l’intéressé procède au lotissement parcellaire du terrain pour en tirer un meilleur prix global n’est pas, à soi seul, de nature à remettre en cause cette présomption, non plus que le nombre de parcelles vendues, la durée sur laquelle s’étaleront les opérations ou l’importance des recettes qu’il en tire au regard de ses autres ressources. Il en va ainsi quand le cédant vend par lui-même des lots viabilisés tirés de son patrimoine dont l’aménagement a été réalisé par un professionnel, sous forme « d’obligation de faire », en rémunération du reste du terrain qu’il lui a cédé non aménagé. » Ces ventes s’inscrivent dans le simple exercice du droit de propriété du cédant.
- En revanche, cette présomption pourra être renversée « lorsque le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, acquérant les biens en dehors d’une pure démarche patrimoniale ou mobilisant des moyens qui le placent en concurrence avec les professionnels. » De telles démarches actives peuvent consister, notamment, en la réalisation, sur ces terrains, de travaux de viabilisation, ainsi que la mise en œuvre de moyens de commercialisation avérés selon l’arrêt Sably.
Pour distinguer les opérations de gestion de son propre patrimoine des opérations relevant d’une activité économique, il convient d’user de la méthode du faisceau d’indices reposant sur des critères d’importance et d’habitude mais aussi de prépondérance des dépenses d’aménagement dans la valeur des cessions réalisées.
En l’espèce, à l’issue d’une vérification de comptabilité, un contribuable a été assujetti à la TVA à raison de la cession de 18 parcelles de terrains à bâtir préalablement aménagés. L’emprise globale de ces terrains avait été acquise pour 1 307 400 € et des travaux de viabilisation d’un montant de 552 281,89 €, soit 40 % du prix de vente, avaient été réalisés.
Si le TA de Montpelier a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont avaient été assortis les rappels de TVA réclamés, il a rejeté le surplus des demandes tendant à la décharge desdits rappels. Le contribuable s’est donc pourvu en cassation contre l’arrêt de la CAA de Marseille après que celle-ci a rejeté son appel contre le jugement de première instance.
Le Conseil d’État rappelle que, aux termes de la lecture combinée des articles 256, 256 A et 257 du CGI, « la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elle procède, non de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu’elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique. »
Partant, le Conseil d’État a estimé, en l’espèce, que les travaux réalisés ne relevaient pas de la simple gestion d’un patrimoine privé mais caractérisaient l’existence de démarches actives de commercialisation, eu égard à leur importance.
Ainsi, les juges affirment qu’un particulier, par ailleurs non-assujetti à la TVA, qui vend des terrains à bâtir qu’il a auparavant viabilisés est soumis à la TVA et ce, même s’il n’a pas mis en œuvre des moyens de vente de type professionnel.
Arrêt du Conseil d’État, 9 juin 2020, n° 432596
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Veille fiscale - Juin 2020 - Blog du contentieux fiscal
[…] l’absence de moyens de vente professionnels. Pour en savoir plus, voir notre brève sur le sujet ici. CE, 9 juin 2020, n° […]