TVA immobilière, Pacte Dutreil, Résidence fiscale, TVA sur marge, Opposabilité de la doctrine et montage artificiel
Marie-Bénédicte Pain, Pierre Darbo, Bérénice Binazet & Camille Martin
Retrouvez la veille fiscale du 1er au 31 octobre 2020 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal du cabinet Rivière│Avocats│Associés
TVA immobilière
La revente d’un terrain initialement destiné à l’édification d’un immeuble par une SCI : Les personnes assujetties à la TVA sont celles qui effectuent de manière indépendante et régulière des activités économiques quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention comme le dispose l’article 256 A du CGI.
En ce sens, une opération occasionnelle de vente d’un immeuble ou d’un terrain, ne doit pas emporter assujettissement à la TVA si elle constitue le simple exercice du droit de propriété par son titulaire. Néanmoins, si l’intéressé entreprend des démarches actives de commercialisation foncière en mobilisant des moyens similaires à ceux déployés par un assujetti, la cession est soumise à TVA.
Dans un arrêt de la CAA de Nancy, la cour juge qu’une SCI qui a pour activité la location de bâtiments industriels est assujettie à la TVA au titre de la cession du terrain, si elle en avait fait l’acquisition en vue d’y construire un immeuble industriel destiné à la location, alors même que l’opération n’est pas allée à son terme pour des raisons d’ordre administrative et technique. Pour en savoir plus, voir notre brève sur le sujet ici. CAA de Nancy 15 octobre 2020, 19NC03382
Pacte Dutreil
La Cour de cassation confirme que la prépondérance de l’animation d’un groupe par une holding doit s’apprécier en fonction d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de son activité et les conditions de son exercice (rejet du critère de l’actif brut immobilisé) : Le pacte Dutreil (article 787 B du CGI) permet de réaliser une transmission tout en bénéficiant d’une exonération de 75% de la valeur des titres d’une société développant une activité opérationnelle. Si la société a également une activité non opérationnelle l’exonération peut s’appliquer si celle-ci n’est pas prépondérante.
Selon la doctrine administrative, le caractère prépondérant de l’activité industrielle, commerciale, artisanale agricole ou libérale, pour les sociétés, s’apprécie selon deux critères cumulatifs : le chiffre d’affaire procuré par cette activité, et le montant de l’actif brut immobilisé. Le CE est venu annuler cette doctrine et précise que cette prépondérance doit s’apprécier en fonction d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de son activité et les conditions de son exercice (cf. notre bulletin sur le sujet).
La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2020, adopte une position similaire à celle du Conseil d’État pour apprécier cette prépondérance. De plus, elle vient confirmer que les holdings doivent être assimilées aux sociétés opérationnelles pour l’analyse du critère de la prépondérance. Pour en savoir plus, voir notre brève sur le sujet ici. Chambre commerciale 14 octobre 2020, n°18-17.955
Résidence fiscale française
La seule détention de patrimoine en France ne permet pas de fonder le domicile fiscal du contribuable
Pour rappel, les personnes ayant leur domicile fiscal en France sont redevables de l’impôt sur le revenu français sur l’ensemble de leurs revenus (français et étrangers), sous réserve de l’application des conventions internationales.
En application de l’article 4 B du CGI sont concernés les personnes qui ont en France leur foyer ou lieu de séjour principal, ceux qui y exercent une activité professionnelle ou qui ont le centre de leurs intérêts économiques.
Dans une décision du 7 octobre 2020, le CE censure l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles et rappelle que la seule présence de patrimoine en France ne permet pas de qualifier le centre des intérêts économiques et donc le domicile fiscal dès lors que ces biens ne produisent que très peu de revenus par rapport à ceux possédés à l’étranger. Pour en savoir plus, voir notre brève sur le sujet ici. Arrêt du Conseil d’Etat du 7 octobre 2020, n°426124
TVA sur marge et TAB acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti
Recours à la notion d’unité foncière pour justifier l’application de la condition d’identité : La base d’imposition à la TVA des livraisons d’immeubles est, en principe, constituée par le prix total de vente (CGI, art. 266 et 267). Par exception, et sur option, la TVA s’applique sur la seule marge réalisée par le cédant concernant les livraisons de terrains à bâtir et les immeubles achevés depuis plus de cinq ans, lorsque l’acquisition n’a pas ouvert droit à déduction (CGI, art. 268).
Le CE dans plusieurs arrêt (cf. Notre bulletin du 22 juin 2020 sur le sujet), a confirmé la condition d’identité entre le bien acquis et le bien revendu pour l’application du régime de la TVA sur la marge.
Par plusieurs arrêts du 24 septembre 2020, la CAA de Nantes conforte cette position et utilise la notion « d’unité foncière » pour justifier le fait que le régime de TVA sur marge ne s’applique pas à une cession de TAB qui, lors de son acquisition, avait le caractère d’un terrain bâti. Pour en savoir plus, voir notre brève sur le sujet ici.
Arrêts de la CAA de Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03770, n°18NT03796, n°18NT03811 et n°18NT03820
Abus de droit
La garantie contre les changements de doctrine invocable par un contribuable ne peut s’appliquer en cas de montage artificiel : L’article L.80 A du LPF, vient protéger le contribuable des changements d’interprétation par l’administration des textes fiscaux.
La CAA de Paris dans un arrêt du 20 décembre 2018 avait considéré qu’il était possible de commettre un abus de droit par fraude à la doctrine (application littérale de la doctrine contraire au but poursuivi par son auteur).
Le Conseil d’État vient rappeler que le terme « décision » de l’article L.64 A du LPF ne peut être interprété comme faisant référence à la doctrine de l’administration. Dès lors l’application littérale de la doctrine ne peut constituer en elle-même un abus de droit. Pour autant, l’administration pouvait se fonder sur la procédure des répressions des abus de droit prévue à cet article pour écarter les opérations réalisées par le contribuable au motif qu’elles constituaient un montage artificiel.
Pour en savoir plus, voir notre brève sur le sujet ici. Conseil d’État 28 octobre 2020, n°428048
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