Pour rappel, l’article L. 16 du LPF permet à l’administration fiscale de s’adresser au contribuable en vue d’obtenir des éclaircissements et justifications sur certains points déterminés dans le but d’établir son impôt. Ce dernier dispose alors d’un délai qui ne peut être inférieur à deux mois pour répondre aux demandes qui lui sont faites.
Deux hypothèses ressortent initialement de cet article :
- Soit le contribuable ne répond pas dans le délai requis : il peut être imposé d’office sans mise en demeure préalable ;
- Soit le contribuable répond dans le délai requis mais de manière insuffisante : il ne peut être imposé d’office qu’après mise en demeure préalable et s’il ne complète pas valablement ses réponses. Cette mise en demeure correspond donc à une garantie offerte au contribuable.
Toutefois, dans sa décision en date du 3 février 2021, le Conseil d’État a ouvert la porte à une troisième hypothèse ressortant de l’article L. 16 du PLF en jugeant que lorsque le contribuable, bien qu’ayant répondu dans le délai requis, n’a apporté que « des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d’éléments de justification », il peut faire l’objet d’une taxation d’office sans mise en demeure préalable de l’administration fiscale.
En l’espèce, un contribuable a fait l’objet d’un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2007 à 2009, lequel a permis de déceler des écarts de balance de trésorerie durant cette période. L’administration a alors adressé au contribuable deux demandes de justification dans le but d’obtenir des informations sur des sommes portées au crédit du compte bancaire du contribuable. Celui-ci a répondu dans le délai requis mais a seulement :
- Justifié divers crédits bancaires représentatifs de deux remises de chèques et de plusieurs dizaines de versements en espèces en répondant que ces crédits provenaient de prêts consentis à un proche, sans fournir de document prouvant ses allégations ;
- Expliqué les différences relevées par le service au sujet de sommes, représentant une remise de chèque présentée comme une restitution de dépôt de garantie, par de nouveaux prêts consentis à ce même proche.
Ces réponses ont été considérées comme peu sérieuses et l’administration a alors taxé d’office le contribuable sur la base de ces sommes, sans le mettre en demeure préalablement.
Le contribuable a alors saisi le TA de Clermont-Ferrand estimant qu’à défaut de mise en demeure préalable la taxation d’office était irrégulière, lequel a rejeté la demande du contribuable. La CAA de Lyon s’est ralliée à cette position en rejetant la requête formée contre le jugement du TA par le contribuable. Il s’est donc pourvu en cassation.
Le Conseil d’État a jugé que « compte tenu de l’absence de justifications jointes aux réponses et au caractère invérifiable de ses allégations », il y avait lieu à taxation d’office des sommes sans mise en demeure préalable.
L’hypothèse dans laquelle le contribuable répond mais de manière imprécise ou invérifiable à l’administration est donc assimilée, par le Conseil d’État, à celle dans laquelle le contribuable ne répond purement et simplement pas, ce qui obligera l’administration et les juges à apprécier si la réponse fournie par le contribuable est ou non imprécise ou invérifiable.
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