Rapport à succession ; Plus-value des non-résidents ; Usufruit de droits sociaux ; Abattement sur les plus-values lié au départ en retraite ; Réduction de capital ; Bail à construction ; Aides au logement ; BIC ; Revenus fonciers ; Droits de mutation à titre onéreux ; Contrôle fiscal ; Réduction d’impôt « Scellier »
Marie-Bénédicte Pain, Bérénice Binazet, Lydie Bientz, Olivier Naulot & Arnaud Mezergues
Retrouvez la veille fiscale et patrimoniale du 1er au 31 janvier 2022 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale du cabinet Rivière│Avocats│Associés
Rapport à succession : comment prendre en compte la plus-value constatée sur un bien subrogé ?
La règle du rapport des libéralités consiste à inclure dans la succession les donations consenties par le défunt, afin de garantir le respect des droits des héritiers. L’application de cette règle peut s’avérer relativement complexe, par exemple lorsque la somme d’argent reçue par donation a fait l’objet d’un remploi pour l’acquisition d’un bien immobilier qui a ensuite fait l’objet de travaux d’amélioration avant d’être revendu. Sur quelle valeur convient-il de fonder le rapport ?
Interrogée sur cette question, la Cour de cassation vient de rappeler dans un arrêt du 17 novembre dernier que dans une telle hypothèse, il convient de rechercher la valeur que le bien (l’immeuble acquis au moyen des fonds donnés) aurait eue à l’époque du partage dans l’état où il se trouvait au moment de la donation (c’est-à-dire sans prendre en compte les travaux réalisés par le donataire). Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Cass. Civ. 1e, 17 novembre 2021, 19-23.218
Exonération de plus-value réalisée par des non-résidents : la vente de l’ancienne résidence principale en France doit intervenir dans l’année du transfert du domicile fiscal
Par principe, sous réserve du respect des dispositions prévues par les conventions internationales, les plus-values immobilières réalisées par une personne physique non-résidente à l’occasion de la vente d’un bien immobilier situé en France sont imposées en France.
Toutefois, depuis le premier janvier 2019, un personne physique non-résidente qui cède l’immeuble qui constituait sa résidence principale en France à la date du transfert de son domicile fiscal hors de France peut être exonérée de plus-value (article 150 U II-2° CGI).
Le Conseil d’État a refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la condition tenant à la date de la cession. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
L’usufruitier n’est pas associé, mais…
En cas de démembrement de droits sociaux (actions ou parts sociales), seul le nu-propriétaire a la qualité d’associé. La Cour de cassation vient en effet de refuser clairement cette qualité à l’usufruitier : « il résulte de la combinaison [de l’article 578 du Code civil et de l’article 39 du décret 78-704 du 3 juillet 1978] que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire. »
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, l’usufruitier demandait que lui soit reconnu le droit de provoquer une délibération des associés sur la révocation du gérant. La Cour, bien que lui déniant la qualité d’associé, lui confirme ce droit dans la mesure où « cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales ». Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Cass. Com, avis 01/12/2021 n° 20-15.164
Loi de Finances 2022 : prolongation et aménagement de l’abattement sur les plus-values lié au départ en retraite du dirigeant : 3 années pour céder ses titres
Le régime d’abattement fiscal sur la plus-value réalisée par le dirigeant à l’occasion de la cession de ses titres concomitante à son départ en retraite est aménagé et prorogé par la loi de finances pour 2022.
A titre transitoire et eu égard au contexte sanitaire, la loi de finances pour 2022 porte de deux à trois ans le délai entre la cession des titres et le départ en retraite, lorsque la cessation des fonctions précède la cession. Attention, seuls sont concernés les dirigeants qui ont fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. Dans le cas contraire, notamment pour les dirigeants qui n’ont pas encore fait valoir leurs droits à la retraite, le délai reste fixé à deux ans.
En outre, le dispositif, qui devait s’éteindre le 31 décembre 2022, est prorogé jusqu’au 31 décembre 2024. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Loi de finances pour 2022 n° 2021-1900 du 30 décembre 2021, article 19
Réduction de capital non motivée par des pertes : attention à l’abus de droit…
Lors de sa séance du 18 novembre 2021, le Comité de l’abus de droit fiscal s’est penché sur le cas de deux sociétés qui, par le moyen d’une réduction de capital, avaient permis à leurs associés d’appréhender sous un régime fiscal favorable, des montants substantiels placés en réserve.
Dans les deux espèces, le Comité rappelle que le choix par le contribuable de la voie la moins imposée ne constitue pas un abus de droit, sauf à ce que l’administration établisse un montage artificiel contraire aux objectifs du législateur. Il relève dans les deux cas que l’opération était justifiée par l’objectif de transmission à terme des sociétés, et que la trésorerie excessive desdites sociétés pouvait justifier le recours à la réduction de capital. En conséquence, le Comité estime que l’administration, qui n’établissait pas le caractère artificiel de l’opération, n’était pas fondée à mettre en œuvre la procédure d’abus de droit.
Dans les deux cas, l’administration a annoncé ne pas suivre l’avis du comité. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Avis du comité de l’abus de droit fiscal du 18 novembre 2021, affaires 2021-23 et 2021-24
Bail à construction et cession concomitante des constructions et des terrains à un tiers : quelle fiscalité ?
Aux termes de l’article L. 251-1 du Code de la construction et de l’habitation, le bail à construction est celui par lequel le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur. Il est consenti pour une longue durée (18 à 99 ans), à l’issue de laquelle les constructions reviennent généralement dans le patrimoine du bailleur.
Fiscalement, la remise de l’immeuble en fin de bail est imposable comme revenu foncier, l’assiette étant le prix de revient de la construction diminuée d’un abattement selon la durée du bail (articles 33 bis et 33 ter du Code général des impôts). Des modalités particulières d’étalement de l’imposition sont également prévues. Il en va de même en cas de résiliation anticipée du bail.
Mais qu’en est-il lorsque le terrain et les constructions sont vendues à la même personne, sans que le bail à construction ait été formellement résilié ?
Selon le Conseil d’État, « ces cessions avaient produit, au regard de la loi fiscale, quelle qu’ait été l’intention des parties et indépendamment des dispositions du code civil en application desquelles la confusion en la même personne des qualités de bailleur et de preneur entraîne l’extinction du bail, les mêmes effets qu’une résiliation amiable tacite des baux ». En conséquence, le vendeur doit bien être imposé, dans la catégorie des revenus fonciers, sur la valeur des constructions. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Conseil d’Etat, 29 décembre 2021 n° 438856
Les aides au logement : des substituts de revenus revenant à la communauté
La qualification de bien commun ou de bien propre est souvent un point négligé au quotidien lorsque deux époux sont mariés sous le régime de la communauté (légale ou conventionnelle). Elle revêt toutefois une importante fondamentale notamment dans la détermination des pouvoirs des époux, du droit de gage des créanciers du couple, ou encore des conséquences de la liquidation du régime matrimonial.
C’est sur cette dernière hypothèse que la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer le 1er décembre dernier au sujet de l’Aide Personnalisée au Logement (APL).
Pour la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, les aides aux logements personnalisées constituent un substitut de revenus pour son bénéficiaire. Ces sommes ayant la nature de biens communs (par application de l’article 1401 du Code civil), leur affectation au financement d’un bien propre fait naître un droit à récompense au profit de la communauté. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Cass. Civ. 1ère, 1er décembre 2021, 20-10.956
BIC : Achats-reventes réalisés par des particuliers et requalification en activité de marchand de biens
L’activité de marchand de biens consiste à acheter en vue de les revendre des immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières. Les bénéfices de cette activité relèvent du régime des « BIC » (article 35 I 1° du CGI).
Pour relever de cette catégorie, les opérations doivent présenter un caractère habituel et procéder d’une intention spéculative analysée au moment de l’acquisition (BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 §30).
Par ailleurs, « lorsque le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, acquérant les biens en dehors d’une pure démarche patrimoniale ou mobilisant des moyens qui le placent en concurrence avec les professionnels » (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10), il est considéré comme réalisant une activité économique entrant dans le champ de la TVA.
Dans un arrêt du 13 janvier 2022, la CAA de Bordeaux a considéré que neuf opérations d’achat de terrains et de revente de maisons permettaient de caractériser l’habitude et l’intention spéculative propres à la qualification d’une activité de marchand de biens, au regard du court délai séparant l’achèvement des travaux et leur revente, les contribuables ne justifiant pas, contrairement à leurs affirmations, que 7 de ces 9 opérations concernaient la cession de leur résidence principale. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici
Arrêt de la CAA de Bordeaux du 13 janvier 2022, n°20BX01454
Revenus fonciers : La prise en compte des charges de travaux de rénovation est subordonnée à la justification de l’intention locative des propriétaires
Les dépenses de réparation, d’entretien et d’amélioration des locaux d’habitation sont déductibles des revenus fonciers (CGI, art. 31, I, 1°, b et b bis) si elles sont engagées en vue de la production d’un tel revenu (CGI, art. 13). De telles charges peuvent donc être déduites avant la mise en location effective du bien mais à la condition que l’intention locative soit justifiée.
A contrario, les dépenses afférentes à des locaux dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont jamais déductibles (CGI, art. 15). Un propriétaire est réputé s’être réservé la jouissance d’un bien s’il ne peut justifier de l’accomplissement de diligences relatives à la mise en location du bien.
Dans un arrêt du 30 décembre 2021, la CAA de Marseille rappelle la nécessité, en l’absence de revenus locatifs, de la démonstration par le propriétaire « qu’il a offert à la location pendant l’année en cause les logements restés vacants au titre desquels il demande la déduction de charges foncières, et qu’il a pris toutes les dispositions nécessaires pour les louer ». Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici
Arrêt de la CAA de Marseille du 30 décembre 2021, n°19MA03147
Engagement de construire, exonération de droits de mutation et force majeure : L’annulation d’un PLU peut être caractéristique d’un cas de force majeure
L’acquéreur d’un immeuble, assujetti à la TVA, peut être exonéré de taxe de publicité foncière (TPF) et de droits d’enregistrement sur la cession s’il prend l’engagement de construire un immeuble neuf dans un délai de 4 ans (article 1594-0 G, A du CGI). Cette exonération est subordonnée à la condition que l’acquéreur justifie à l’expiration du délai de quatre ans, sauf prorogation de ce délai, de l’exécution des travaux.
A défaut de respecter cet engagement, il sera redevable des droits dont il a été exonéré (article 1840 G ter du CGI), sauf dans l’hypothèse où un cas de force majeure a empêché toute construction de façon absolue et définitive (BOI-CF-INF-20-30, n°40).
Dans un arrêt du 19 janvier 2022, la Cour d’appel de Bastia a validé le caractère de force majeure d’une annulation d’un plan local d’urbanisme (PLU) permettant de bénéficier, malgré le non-respect de l’engagement de construire, de l’exonération de droits de mutation. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici
Arrêt de la CA de Bastia, 19 janvier 2022, n°20/00626
Contrôle fiscal : un changement de fondement juridique dans la réponse aux observations du contribuable rend nulle la proposition de rectification
L’administration fiscale a l’obligation de motiver les propositions de rectification fiscale qu’elle adresse aux contribuables (article L. 57 du Livre des procédures fiscales).
Cette obligation de motivation implique de préciser la nature et les motifs des rectifications proposées au contribuable qui dispose d’un délai de trente jours pour les accepter ou formuler des observations (article R. 57-1 du LPF).
En raison du principe du contradictoire, l’administration est tenue d’adresser une nouvelle proposition de rectification lorsqu’elle décide, dans sa réponse aux observations du contribuable, de modifier le fondement juridique de la rectification proposée au contribuable. Le principe du contradictoire requiert que le contribuable puisse faire valoir ses observations avant la mise en recouvrement de l’impôt résultant des rectifications maintenues.
Dans le cas contraire, la proposition de rectification est frappée de nullité. C’est ce que rappelle la Cour administrative d’appel de Lyon dans son arrêt du 13 janvier 2022. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici
Arrêt de la CAA de Lyon du 13 janvier 2022, n°19LY04650
Réduction d’impôt « Scellier » : respect de l’obligation de location à usage de résidence principale du locataire
Les contribuables ayant acquis entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012 des logements neufs ou en l’état de futur achèvement peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt « Scellier » répartie sur neuf ans (article 199 septvicies du CGI).
Le bénéfice de cette réduction d’impôt est notamment conditionné par le fait de :
- Louer de manière effective et continue le logement nu pendant une durée minimale de 9 ans ;
- Le logement loué doit constituer la résidence principale du locataire au moment de la signature du bail et pendant la période de l’engagement de location (BOI-IR-RICI-230-20-20, n°60).
Le dispositif « Scellier » – remplacé par le dispositif « Duflot » en 2013, puis par le dispositif « Pinel » en 2014 – continue d’alimenter la jurisprudence administrative.
Les 31 décembre 2021 et 13 janvier 2022, les Cours administratives d’appel de Nancy et de Bordeaux rappellent respectivement les deux conditions précitées : la location du logement et son affectation à l’habitation principale du locataire. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici
CAA de Nancy en date du 31 décembre 2021 n°20NC00281
CAA de Bordeaux en date du 13 janvier 2022 n°20BX01465
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