Le régime fiscal de la para-hôtellerie n’en finit pas d’occuper le législateur et les praticiens depuis l’avis rendu par le Conseil d’État le 5 juillet 2023, jugeant incompatible l’ancien article 261 D 4° du CGI à la directive européenne (lien vers notre brève sur cet avis).
Si la loi de finances pour 2024 a modifié le texte litigieux (lien vers notre brève sur cette réforme), le nouvel article 261 D 4° du CGI n’est applicable qu’à compter du 1er janvier 2024 et les affaires pendantes devant les juridictions (et sans doute pour quelques années encore) sont donc jugées sous l’empire de l’ancien texte, tel que réinterprété par l’avis du Conseil d’État.
La position est désormais d’une clarté relative : le juge ne peut pas se référer au seul seuil des 3 prestations sur 4 mais doit se livrer à une appréciation selon la méthode du faisceau d’indices « au cas par cas » en analysant « les conditions dans lesquelles cette prestation est offerte », dont « la durée minimale du séjour ».
C’est sur cet ancien texte, tel qu’interprété par l’avis, que la Cour administrative d’appel de Douai avait à se prononcer dans quatre situations d’espèces similaires (CAA Douai, 4ème ch., 22 février 2024, n°22DA01701, n°22DA01712, n°22DA01811 et n°23DA00583).
Plusieurs contribuables avaient acquis des immeubles en VEFA, destinés à être loués en meublés de tourismes et exploités par une société de gestion tierce. Estimant que l’activité de location en meublé ainsi exercée entrait dans le champ d’application de la TVA les contribuables ont obtenu le remboursement de la TVA ayant grevé l’achat des biens immobiliers.
Mais à l’issue de vérifications de comptabilité, l’administration fiscale a estimé, au contraire, que l’activité était exonérée de TVA, remettant alors en cause les remboursements ainsi obtenus. Pour ce faire, le service estimait que, si le tiers exploitant proposait la fourniture à la clientèle du linge de maison ainsi qu’un service de réception, il n’assurait, en revanche, ni la fourniture de petits-déjeuners, ni le nettoyage régulier des locaux dans des conditions similaires aux hôtels professionnels.
Ce raisonnement est censuré par la Cour administrative de Douai qui, reprenant l’avis du Conseil d’État, se livre à une appréciation in concreto de la situation d’espèce, et pas seulement au regard des critères de l’article 261 D du CGI.
Le premier élément déterminant aux yeux des juges de la CAA résulte de la durée du séjour. Pour qualifier une concurrence avec le secteur hôtelier, les juges relèvent que :
« la location du logement meublé (…) était disponible à la nuitée et qu’au demeurant les réservations au sein de la résidence de vacances concernaient majoritairement des courts séjours dont la durée moyenne s’établissait à trois nuitées environ au cours de la période en litige ».
À ce premier élément s’ajoute la présence de trois des services de l’article 261 D, en l’espèce le nettoyage des locaux en début et en fin de séjour, l’existence de prestations de réception téléphonique et d’accueil sur place ainsi que la fourniture du linge de maison.
La Cour retient un troisième et dernier élément en constatant, « au surplus », que l’activité « s’exerçait dans un secteur particulièrement touristique », confirmant par là même le caractère non exhaustif des indices énoncés par le Conseil d’État dans son avis du 5 juillet dernier.
Selon la juridiction, la combinaison de ces éléments entraînait une concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières et partant, l’assujettissement de l’activité litigieuse à la TVA.
Ces quatre arrêts confirment donc que l’évaluation de l’exonération de la TVA est fondée sur une analyse empirique et souvent imprévisible. La nouvelle rédaction de l’article 261 D 4° du CGI ne nous semble pas apporter plus de sécurité juridique pour les contribuables, tenus désormais de prévoir l’appréciation casuistique qu’un juge portera peut-être un jour sur leur activité.
CAA Douai, 4ème ch., 22 février 2024, n°22DA01701, n°22DA01712, n°22DA01811 et n°23DA00583.
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