Cela n’est un secret pour personne : les activités professionnelles sont passibles de l’impôt sur le revenu. Mais qu’en est-il, précisément, lorsque ladite activité « professionnelle » est elle-même illicite, partant secrète ?
Par une décision singulière, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle, à l’occasion d’un contentieux fiscal portant sur la taxation du « chiffre d’affaires » réalisé par une contribuable se livrant à « l’activité d’escort-girl », que de tels revenus sont taxables en tant que bénéfices non commerciaux, mais également imposables à la TVA.
Sur l’origine de l’affaire :
Initialement, la contribuable avait fait l’objet de poursuites pénales pour des faits d’abus de faiblesse sur personne vulnérable mais avait été relaxée par le Tribunal correctionnel.
Toutefois, en application de l’article L101 du LPF, l’administration fiscale se voit communiquer, par l’autorité judiciaire, les informations que cette dernière détient sur des affaires pouvant laisser présumer une infraction fiscale.
C’est ainsi que l’administration fiscale, mise au fait de l’activité de la contribuable, lui avait notifié des redressements d’impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée à raison des revenus perçus par elle dans le cadre de ses activités.
Sur les bénéfices non commerciaux :
La solution retenue par la Cour administrative d’appel en la matière est classique : les activités illicites ou qui ne se rattachent pas à une autre catégorie de revenus sont imposables comme BNC, en application de l’article 92 du CGI.
Les juges relèvent que la circonstance que la contribuable ait été relaxée au pénal n’impliquait pas qu’elle n’avait pas pour autant bien perçu les revenus en cause (au total plus de 700 000 € en dix ans).
Dans la mesure où « compte tenu de l’importance et de la régularité des revenus en cause, Madame B, ne saurait sérieusement soutenir que les sommes et avantages qu’elle a reçus constitueraient, pour elle, des libéralités dépourvues de toutes contreparties », ces revenus étaient bien imposables en tant que BNC, avec application de majorations de 80 % pour activité occulte.
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
La Cour de Justice de l’Union Européenne avait pu juger, au sujet d’activités de trafics de stupéfiants, que celles-ci n’étaient pas soumises à TVA, ces « biens » étant exclus du champ d’application de la TVA par la Directive européenne.
La Cour administrative d’appel relève que l’activité de la contribuable avait été permanente et réalisée de manière indépendante, ce qui pouvait donc faire d’elle une assujettie.
Au cas particulier, les juges relèvent que :
« Telle qu’elle a été décrite par Mme B, son activité entre en concurrence avec des activités licites. C’est dès lors par une exacte application des dispositions précitées que l’administration l’a soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. »
Relevons en passant que le juge ne précise pas quelles sont « les activités licites » avec lesquelles la profession de Madame B entrait en concurrence.
Sur les conséquences de l’application de pénalités de 80 % :
Depuis la réforme du verrou de Bercy, l’administration fiscale a l’obligation de transmettre au parquet les procédures dans lesquelles elle fait application de majorations de 80 % pour des faits relevant du délit de fraude fiscale général.
Au cas particulier, si Madame B avait été relaxée au pénal des faits d’abus de faiblesse, elle pourrait donc bien faire à nouveau l’objet de poursuites, pour fraude fiscale cette fois.
Si le crime ne paie pas, il semble que l’escorting non plus.
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