L’administration fiscale est « en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit », que ces actes soient considérés comme fictifs ou qu’ils aient pour but de frauder la loi (article L.64 du LPF).
En cas de contrôle fiscal, lorsque le fisc rectifie sur la base de l’abus de droit, le contribuable bénéficie de certaines garanties telles que la saisine du comité de l’abus de droit fiscal. Le non-respect par l’administration de l’une de ces garanties constitue une erreur substantielle entachant la procédure d’irrégularité et entrainant ainsi la décharge des impositions.
En conséquence, si jamais un contribuable démontre que l’administration fiscale aurait dû mettre en œuvre la procédure spéciale de l’abus de droit au regard des rectifications qui lui ont été notifiées, alors il peut obtenir le dégrèvement des impositions ayant résulté des rectifications faites selon la procédure de droit commun.
En l’espèce, une SCI, constituée entre un notaire et son épouse, a fait l’acquisition de trois appartements auprès d’un particulier. Au décès de ce dernier, l’administration fiscale a procédé au contrôle de sa déclaration de succession :
- elle a constaté un écart substantiel entre le prix de vente des trois appartements et leur valeur de marché, représentatif de ventes à vils prix.
- Elle a rectifié la société en considérant que ces ventes constituaient des donations indirectes et a majoré les rectifications des pénalités pour manquement délibéré.
La cour d’appel de Besançon a prononcé le dégrèvement du rappel de droits mis à sa charge. Elle relève que l’administration a qualifié les trois ventes de donations indirectes, en faisant reposer sa démonstration :
- sur la volonté manifeste et délibérée de la société, ressortant de la profession de notaire du principal associé, d’éluder les droits dont elle était redevable ;
- et sur l’écart substantiel entre le prix de cession et la valeur du marché de ces biens, qui ne pouvait n’être qu’un fait volontaire et ressortant de personnes parfaitement informées.
Et qu’elle a, par la suite, assorti les rectifications d’un intérêt de retard et de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.
Pour toutes ces raisons, la cour a estimé que le fisc avait, en réalité, visé une donation déguisée et non une donation indirecte. De ce fait, il aurait dû mettre en œuvre la procédure spéciale de l’abus de droit visée à l’article L.64 du LPF.
C’est également ce qu’a jugé la Cour de cassation, dans son arrêt du 4 mars 2020. En effet, si l’administration fiscale démontre d’une part, qu’une donation est déguisée sous un acte de vente et d’autre part, que le contribuable s’est volontairement organisé pour éluder une partie substantielle des impôts dus, et ceci en interprétant exagérément à son profit les textes en vigueur, elle doit se placer sur le terrain de l’abus de droit et se conformer à la procédure prévue par l’article L. 64 du LPF, faute de quoi la procédure de redressement et celle, subséquente, de recouvrement sont entachées d’irrégularité. La Haute juridiction a donc invité l’administration fiscale à dégrever intégralement le montant des rappels d’impôt et des pénalités y afférentes, mis à tort à la charge de la société.
Il ne faut toutefois pas tirer de conclusion hâtive de cette décision en déduisant que l’administration est obligée de taxer les donations indirectes sur le terrain de l’abus de droit. Cependant, l’application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré semble déconseillée si l’administration fiscale ne se place pas sur ce terrain, sous peine de faire tomber le redressement en raison d’un vice de procédure.
Source : Arrêt chambre commerciale de la Cour de cassation, 4 mars 2020, 17-31.642, Inédit
Pas de commentaire