Par Vianney Rivière, Marie-Bénédicte Pain, Magali Dupuy, Bérénice Binazet
Dans deux arrêts du 15 septembre dernier, la CJUE tranche deux questions relativement importantes en pratique et génératrices de contentieux :
- L’exercice du droit à déduction de la TVA ne peut être refusé en raison de l’omission ou de l’inexactitude des mentions obligatoires figurant sur les factures si les conditions de fond sont satisfaites ;
- En présence de factures rectificatives, l’administration n’a pas à appliquer des intérêts de retard.
AVANT
La Loi et la doctrine
Le redevable qui souhaite exercer son droit à déduction de la TVA doit être en mesure d’en justifier.
Pour ce faire, ses factures doivent comprendre un certain nombre de mentions obligatoires prévues par la loi (article 289 II du CGI) : la date, l’identification des parties (n° SIRET, n° d’identification de TVA intraco-mmunautaire), le montant de la TVA, le montant TTC.
Leur omission conduit souvent les vérificateurs à refuser l’exercice du droit à déduction alors que la doctrine administrative prévoit que la seule omission ou inexactitude de l’une de ces mentions n’entraîne pas nécessairement le refus du droit à déduction si l’opération est justifiée dans sa réalité.
La jurisprudence
Sur les mentions obligatoires :
Pour le CE : l’absence du nom, de l’adresse du client sur la facture, n’entraîne pas la perte du droit à déduction si le paiement effectif de la TVA est démontré. En revanche, l’absence du montant de TVA, peut remettre en cause le droit à déduction de la TVA.
Pour la CJUE : position stricte pour l’exercice du droit à déduction en cas d’absence des mentions obligatoires sur les factures. Elle admettait tout de même le principe des factures rectificatives, rappelant que la Directive TVA ne l’interdisait pas.
Sur l’effet rétroactif des factures rectificatives
Pour le CE : Jurisprudence hésitante.
Pour la CJUE : Jurisprudence absente.
APRES
L’affaire Barlis
Dans cette affaire soumise par une société portugaise, les factures n’indiquaient pas de manière suffisante la nature et l’étendue des services rendus.
La CJUE admet pour la première fois que le droit à déduction ne peut être refusé au seul motif qu’une des mentions obligatoires posées par la directive TVA ferait défaut, si les conditions de fond de l’exercice de ce droit sont satisfaites.
L’AF ne peut se limiter à l’examen des factures elles-mêmes, elle doit tenir compte de toutes les informations fournies par le contribuable pour déterminer si la TVA a été déduite à tort.
L’affaire Senatex
Dans cette affaire, le contribuable allemand avait rectifié ses factures complétant la mention omise (n° d’identification TVA).
L’AF n’avait pas admis l’effet rétroactif des factures rectifiées par le contribuable et avait donc appliqué des intérêts de retard entre la date d’émission de la facture initiale erronée et la date de sa rectification.
La CJUE précise que la rectification de factures erronées produit un effet rétroactif, (année de la facture initiale = année de déduction), ne faisant donc pas courir les intérêts de retard.
La portée en droit interne
Le régime fiscal français de la TVA découle directement de la directive TVA européenne. De ce fait, les décisions de la CJUE sur le sujet ont une portée directe en droit interne.
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- L’AF a remis en cause votre droit à déduction de la TVA sous prétexte que vos factures ne contenaient pas toutes les mentions obligatoires prévues par la loi :
Si vous êtes en mesure de justifier de la réalité de l’opération (livraisons et/ou prestations de services) et du paiement effectif de la TVA, vous pouvez contester cette remise en cause !
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- Des mentions obligatoires ont été omises sur vos factures, vous les avez rectifiées mais l’AF vous a appliqué des intérêts de retard :
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N’hésitez pas à initier une réclamation contentieuse (délai de 2 ans à compter de la date de déduction de la TVA) pour obtenir le remboursement des intérêts de retard.
Sur le délai de rectification
La CJUE n’a pas examiné le point dans l’affaire Senatex mais s’était déjà prononcée par le passé : la rectification doit être antérieure à la décision de l’AF refusant le droit à déduction.
Rappel
toute omission d’une mention obligatoire sur les factures est passible d’une amende égale à 15 € par omission ou inexactitude (article 1737 II du CGI).
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