L’absence d’application de l’abattement pour durée de détention aux plus-values d’apport de titres, placées en report avant 2013, après avoir été déclarée conforme à la Constitution, vient d’être déclarée conforme à la CEDH (arrêt du CE en date du 19 juillet 2016) : c’est l’occasion de revenir sur ce débat et d’en tirer les conséquences pratiques.
REPORT D’IMPOSITION ET ABATTEMENT POUR DUREE DE DETENTION
La problématique
Les lois de finances pour 2013 puis pour 2014 ont profondément modifié le régime d’imposition des plus-values de cession de titres de sociétés réalisées par les particuliers :
- Elles sont désormais soumises au barème progressif de l’IR et non plus à un taux fixe ;
- L’article 150-0 D du CGI prévoit des abattements pour durée de détention pouvant aller jusqu’à 85% selon les cas.
La loi et le BOFIP excluent du bénéfice des nouveaux abattements les plus-values placées en report d’imposition avant le 1er janvier 2013 et qui deviennent imposables à compter de cette date.
Le Conseil d’Etat a été saisi et a renvoyé la question devant le Conseil Constitutionnel.
Le verdict
Le Conseil Constitutionnel déclare cette exclusion conforme à la Constitution et rappelle la spécificité du mécanisme du report d’imposition :
- La plus-value est calculée selon les règles d’assiette en vigueur l’année au cours de laquelle elle se réalise ;
- Mais elle est imposée selon le taux en vigueur l’année au cours de laquelle le report prend fin.
L’abattement pour durée de détention étant une règle d’assiette, il ne peut s’appliquer aux plus-values placées en report avant 2013.
Toutefois, au regard d’une éventuelle atteinte aux capacités contributives des contribuables, le Conseil Constitutionnel a formulé deux réserves d’interprétation.
LES RESERVES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Le coefficient d’érosion monétaire
L’exclusion des plus-values en report du bénéfice des abattements conduit à une imposition pouvant aller jusqu’à 62% (taux maximum d’IR + prélèvements sociaux + contribution exceptionnelle).
Afin de respecter les facultés contributives des contribuables, le Conseil Constitutionnel propose d’appliquer, à l’assiette de la plus-value, un coefficient d’érosion monétaire pour la période comprise entre l’acquisition des titres et le fait générateur de l’imposition.
<Problème : l’administration fiscale ne s’est pas encore prononcée sur la détermination de ce coefficient
Le cas des reports obligatoires
En principe, le report est optionnel : le contribuable, qui choisit de l’utiliser, accepte une imposition différée et aléatoire.
En revanche, concernant les reports imposés par la loi prévus par l’article 150-0 B ter du CGI, le Conseil Constitutionnel considère que les contribuables n’ont pas à supporter cet aléa. Ils pourront appliquer le taux en vigueur l’année de l’événement qui entraine le report.
Cette situation concerne les apports de titres au profit d’une société contrôlée entre le 14 novembre et le 31 décembre 2012. Les plus-values seront donc taxées au taux forfaitaire de 24% (applicable en 2012).
Les réclamations à tenter
Les contribuables dont les plus-values mobilières réalisées et mises en report avant le 1er janvier 2013 sont devenues imposables au barème de l’IR depuis cette date peuvent introduire des réclamations en se basant sur les réserves d’interprétation rendues par le Conseil Constitutionnel.
- Pour celles placées en report imposé par la loi entre le 14 novembre et 31 décembre 2012, c’est le taux de 24% (ou 19% pour les dirigeants sous certaines conditions) qui pourra s’appliquer à la place du taux marginal de l’IR.
- Pour les autres, l’administration fiscale devra appliquer le coefficient d’érosion monétaire dont parle le Conseil Constitutionnel.
NB : On attend encore des indications sur le montant du coefficient et sur les modalités de son application.
Les délais pour agir
- Pour les plus-values imposables en 2013 et déclarées en 2014 : jusqu’au 31 décembre 2016
- Pour celles imposables en 2014 et déclarées en 2015: jusqu’au 31 décembre 2017
- Et enfin, pour celles imposables en 2015 et déclarées en 2016 : jusqu’au 31 décembre 2018.
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