TVA
La modification des caractéristiques physiques et de la qualification juridique d’un bien est sans incidence sur l’application de la TVA sur la marge : L’article 268 du CGI prévoit le régime de la TVA sur la marge s’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (TAB) « si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ».
Dans la première affaire, un marchand de biens avait acquis des tènements ayant fait l’objet de création de parcelles et procédé à des cessions de TAB ; dans la seconde, un marchand de biens avait acquis un chalet qu’il avait démoli, reconstruit et revendu. Le régime de la TVA sur la marge avait été appliqué aux deux opérations.
L’administration fiscale soutenait dans les deux cas que l’application de ce régime dérogatoire supposait que le bien vendu n’ait pas ouvert droit à déduction mais également qu’il ait la même qualification juridique que le bien acheté. Cette dernière condition n’était, selon elle, pas respecté dans les deux affaires en cause (création de parcelles revendues comme TAB dans la première affaire et acquisition d’un immeuble ancien revendu après démolition et reconstruction dans la seconde).
Pourtant, la CAA de Lyon, par deux arrêts rendus respectivement les 25 juin et 27 août 2019, réfute la position adoptée par l’administration fiscale relative à l’exigence d’identité physique et juridique entre le bien acheté et celui revendu. Elle décide, dans les deux affaires, que « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien ont été modifiées entre l’achat et la revente est sans incidence sur l’application du régime de la TVA sur la marge prévu par l’article 268 du CGI ».
Dans les deux affaires l’acquisition n’avait pas ouvert droit à déduction. Par ailleurs dans la première il n’était pas discutable que la cession portait bien sur un TAB. Dans la seconde, la preuve que le bien avait été revendu en tant qu’immeuble neuf (la cession d’un immeuble neuf devant être soumise à TVA sur le prix total) n’était pas rapportée (travaux non achevés), la cession portait donc toujours sur un TAB.
La CAA rappelle utilement dans la seconde affaire que la doctrine administrative « ne saurait légalement fonder une imposition ».
Cour administrative d’appel de Lyon, 25 juin 2019, 18LY00671 ; Cour administrative d’appel de Lyon, 27 août 2019, n°19LY01260
Droits d’enregistrements
Le terme de « recherches ultérieures » nécessaire à l’application de la prescription fiscale triennale concerne la détermination de la base imposable et non l’évaluation de cette base : Aux termes de l’article L.180 du LPF, pour les droits d’enregistrement, le droit de reprise de l’administration peut s’exercer jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant la date de l’enregistrement de l’acte ou de la
déclaration. L’application de cette prescription abrégée est subordonnée à la double condition que (i) l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré (ii) sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. A défaut la prescription normale de 6 ans s’applique.
En l’espèce, un fonds de commerce avait été cédé en juillet 2007, l’acte avait été enregistré et les droits correspondant acquittés. L’administration, en décembre 2013, a considéré que le fonds avait été sous-évalué et avait envoyé une proposition de rectification contenant un rappel de droits. Elle estimait que la prescription abrégée ne pouvait s’appliquer au motif que des recherches ultérieures auraient été nécessaires pour déterminer la valorisation. Après mise en recouvrement de la somme, le contribuable a saisi le TGI compétent qui a rejeté sa demande.
Pourtant, la Cour d’appel d’Orléans a considéré que la prescription triennale s’appliquait en l’espèce. Les « recherches ultérieures » visent seulement la détermination de la base imposable, à savoir les biens et droits assujettis à l’impôt et non l’évaluation de cette base imposable (i.e. valeur des biens et droits déclarés), évaluation qui demeure soumise à la prescription abrégée de 3 ans en l’absence de dissimulation. Elle retient aussi que l’administration ne démontre pas que le prix de cession réel aurait été dissimulé et qu’il eût fallu qu’elle entreprenne des recherches pour découvrir une fraude. L’acte de cession révélait l’exigibilité du fait juridique imposable sans qu’il soit besoin de recourir à des éléments extérieurs à l’acte. Les conditions de l’article L.180 du LPF sont donc réunies : l’administration était prescrite lorsqu’elle a adressé la proposition de rectification.
Cour d’appel d’Orléans, Chambre commerciale, 22 août 2019, n°18/02173
BIC
Une SCI qui loue des locaux nus ne se livre pas à une activité commerciale du fait de la vente de deux immeubles dès lors qu’ils n’ont pas été acquis en vue de leur revente : Aux termes de l’article 35-I-1° du CGI, présentent le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices réalisés par les personnes physiques qui, notamment, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières.
En l’espèce, une SCI locative relevant de l’impôt sur le revenu avait vendu deux locaux en 2006 et 2011. A la suite d’un contrôle sur place, le gérant majoritaire s’était vu réintégrer dans ses revenus fonciers le bénéfice rectifié de la SCI. Il a été soumis à des cotisations supplémentaires d’IR.
Ce dernier prétendait que du fait de la cession de ses locaux, la SCI, développant une activité commerciale, aurait dû être soumise à l’impôt sur les sociétés.
La CAA de Versailles indique que la SCI ne peut être qualifiée de marchand de biens, et ce quand bien même son objet l’autorise à exercer une activité commerciale, « si l’achat de biens immobiliers n’est pas fait en vue de leur revente ». Ainsi, la SCI n’est pas de plein droit soumise à l’IS dès lors qu’elle ne se livre pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 du CGI et qu’elle n’a pas opté à l’assujettissement à l’IS. La requête du gérant est rejetée, les cotisations supplémentaires confirmées.
Cour administrative d’appel de Versailles, 25 juillet 2019, n°17VE02293
TVA
La remise en cause de la qualité d’assujetti – et donc du droit à déduction – d’un particulier qui loue un bien meublé à un exploitant réalisant des prestations para-hôtelières ne peut intervenir qu’en cas de situation frauduleuse ou abusive : L’article 260 D du CGI prévoit que la location d’un local, meublé ou nu, dont la destination finale est le logement meublé, est toujours considérée, pour la TVA, comme une opération de fourniture de logement meublé quelles que soient l’activité du preneur et l’affectation qu’il donne à ce local.
En l’espèce, un particulier avait acquis en 2009 une maison en l’état futur d’achèvement, géré par une société d’exploitation qui réalisait des prestations para-hôtelières. Il avait demandé et obtenu le remboursement d’un crédit de TVA correspondant à la taxe ayant grevé lesdits travaux, en revendiquant sa qualité d’assujetti en tant que loueur d’un bien destiné à une location en meublé avec proposition de prestations similaires à celles d’une entreprise hôtelière.
Toutefois, à la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration a remis en cause la qualité d’assujetti du contribuable et, partant, son droit à déduction. Cette dernière prétendait que le contribuable ne pouvait détenir la qualité d’exploitant du logement meublé dès lors qu’il donnait lui-même en location l’immeuble à la société d’exploitation laquelle proposait des prestations para-hôtelières à des locataires particuliers.
Or, la CAA de Bordeaux rappelle qu’au regard de l’article 260 D du CGI, « le bailleur qui donne en location un local meublé à un exploitant qui lui-même offre à la clientèle des prestations de la nature de celles définies au b) précité du 4° de l’article 261 D du code général des impôts a la qualité d’assujetti »
Dès lors, elle juge que le bailleur qui donne en location un local meublé à un exploitant qui, réalise de telles prestations a la qualité d’assujetti. Une fois cette qualité reconnue par l’octroi d’un remboursement de crédit de TVA, l’administration ne peut remettre en cause rétroactivement ce droit à déduction qu’en cas de situation frauduleuse ou abusive.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 25 juillet 2019, n°17BX02634
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