SCI & dissolution, Quasi-usufruit, Managements packages, TVA & holdings mixtes, Marchand de biens & résidence principale, Engagement de revendre & SPI, Intention spéculative, Indemnité transactionnelle
Marie-Bénédicte Pain, Bérénice Binazet, Lydie Bientz, Olivier Naulot & Arnaud Mezergues
Retrouvez la veille fiscale du 1er au 31 décembre 2021 réalisée par l’équipe de contentieux fiscal et ingénierie patrimoniale du cabinet Rivière│Avocats│Associés
SCI et dissolution pour mésentente entre associés : à la recherche du juste motif
L’article 1844-7, 5° du Code civil dispose que la société prend fin « par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».La notion de justes motifs a donné lieu depuis des décennies à une jurisprudence abondante, et parfois d’une étonnante sévérité, en témoigne l’arrêt rendu par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 novembre 2021.
La Cour d’appel (Toulouse, 28 novembre 2018) avait fait droit à la demande en dissolution anticipée, retenant notamment l’absence de convocation de l’assemblée générale depuis plusieurs années, l’existence d’opérations graves sur le patrimoine social décidées par le seul gérant, l’arrêt de la distribution de dividendes au minoritaire ainsi que l’abus de majorité constitué par l’adoption de résolutions contraires à l’intérêt social.
Arrêt cassé par la Troisième chambre civile car « en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir une paralysie du fonctionnement de la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Cass. Civ. 3e, 17 novembre 2021 n° 19-13.255
Plus-value sur titres démembrés avec convention de quasi-usufruit : le CE confirme sa jurisprudence
Le Conseil d’Etat rappelle que l’imposition de la plus-value réalisée à l’occasion de la cession conjointe de leurs droits par l’usufruitier et le nu-propriétaire dépend de l’emploi du produit de la cession.
Si le prix de cession des droits démembrés est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, chacun est imposable selon la valeur respective de ses droits.
Néanmoins, les parties peuvent avoir contractuellement décidé de constituer un quasi-usufruit sur la somme reçue en contrepartie de la cession. Dans ce cas, le droit d’usufruit étant reporté sur le prix de cession, l’imposition pèse sur l’usufruitier. En revanche, s’il était convenu que le prix de cession serait nécessairement remployé dans l’acquisition d’autres titres, c’est le nu-propriétaire qui devient imposable.
Requalification des managements packages en salaires : le CE confirme sa jurisprudence
Fréquents dans les opérations de rachat avec effet de levier (LBO), les management packages (sous leurs différentes formes : stock-options, bons de souscriptions d’action etc.) ont pour objet d’associer les dirigeants et cadres au risque financier de l’opération. Il leur est ainsi proposé d’entrer au capital de la société holding de rachat à des conditions préférentielles, mais en conditionnant la possibilité de faire valoir leurs droits à la réalisation d’une certaine performance économique. Néanmoins, l’administration fiscale veille à ce que les avantages qu’en retirent les bénéficiaires soient effectivement liés à leur qualité d’investisseur, et non à celle de salarié ou dirigeant.
Dans la droite ligne de ses arrêts du 13 juillet 2021, le Conseil d’Etat juge qu’un gain de cession de titres peut relever de la catégorie des traitements et salaires lorsque, eu égard aux conditions de réalisation de ce gain, il doit être regardé comme acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant.
Droit à déduction de la TVA des holdings mixtes : des lignes directrices de plus en plus précises
Contrairement à la holding « pure » ou passive, dont le rôle se limite à celui d’un actionnaire (percevoir des dividendes et céder des titres), la holding « mixte », outre la détention de titres, anime ses filiales par des prestations de service (activité de nature commerciale). Or, le régime de TVA applicable à ces deux activités est très différent.
Depuis une dizaine d’années, la jurisprudence européenne (CJCE 29 octobre 2009, C-29/08, arrêt « AB-SKF ») et celle du Conseil d’Etat sont venues préciser ce cadre, notamment à propos des honoraires de conseils exposés à l’occasion de la cession de titres.
Cependant, le cadre dressé par le Conseil d’Etat ne concernait jusque-là que les dépenses antérieures ou concomitantes à la cession. Mais par un arrêt du 28 septembre 2021, le Conseil a complété cet édifice jurisprudentiel, en se prononçant sur des dépenses postérieures à la cession.
CE 28 septembre 2021, n° 440987
BIC : l’occupation d’un immeuble à titre de résidence principale permet d’échapper à la requalification en marchand de biens … mais encore faut-il pouvoir le prouver
Est qualifié de marchand de biens toute personne physique ou morale qui réalise des opérations d’achat-revente d’immeubles de manière habituelle avec une intention spéculative.
D’un point de vue fiscal, les bénéfices tirés de cette activité sont imposés dans la catégorie des BIC (article 35-1-1 du CGI) et assujettis à la TVA.
Il est possible d’échapper à cette qualification lorsque le revendeur parvient à établir :
-soit que les immeubles qu’il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux et, de ce fait, que leur vente relevait de la simple gestion de son patrimoine personnel;
-soit que les immeubles en cause constituaient sa résidence principale.
Deux décisions de cours administratives d’appel (Versailles et Nantes) rappellent qu’en matière de requalification marchand de biens ou d’exonération liée à la résidence principale, tout est une question de preuve. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
CAA de Versailles 07/12/2021 n°19VE03989 ; CAA de Nantes 21/10/2021 n°0NT00957
Traitements et salaires : l’imposition d’une indemnité transactionnelle dépend de la cause du licenciement
En principe, toute indemnité versée à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de certaines exceptions : c’est le cas de l’indemnité versée à la suite d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu (article 80 duodecies du CGI et L1235-3 du code du travail).
Dans un arrêt du 26 novembre 2021, la CAA de Nantes rappelle que pour déterminer si une indemnité transactionnelle versée à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail est imposable, il appartient à l’administration et au juge de l’impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l’objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d’être regardées comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que s’il résulte de l’instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement.
En l’espèce, un contribuable a été licencié et, pour mettre un terme au litige devant le conseil des prud’hommes, il a conclu avec son employeur un accord transactionnel prévoyant le versement des sommes lui étant dues en application du code du travail ainsi qu’une indemnité globale et forfaitaire d’un montant de 150 000 euros. A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a réintégré cette indemnité, à hauteur de 115 448 euros, dans les revenus imposables du contribuable. Or, pour la CAA, il résulte de l’instruction que le licenciement du contribuable ne pouvait être regardé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse et qu’en conséquence, l’indemnité transactionnelle d’un montant de 150 000 euros n’était pas imposable.
CAA de Nantes, 26 novembre 2021, n°20NT02355
Droits d’enregistrement et engagement de revendre sur titres de société à prépondérance immobilière : la société acquise doit conserver son caractère immobilier sur toute la durée de l’engagement
Selon l’article 1115 du CGI, l’acquisition d’immeuble, de fonds de commerce et d’actions ou de parts de sociétés immobilières par des personnes assujetties à la TVA est exonérée de droits d’enregistrement, dès lors que l’acquéreur prend l’engagement de revendre le bien dans un délai de 5 ans.
Cette exonération n’empêche pas la soumission de la mutation entre vifs de droits réels immobiliers à la taxe de publicité foncière au taux global de 0,715 % (article 1020 du CGI).
Par un arrêt en date du 24 novembre 2021, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a précisé que cette exonération n’était possible qu’en cas de conservation du caractère immobilier du bien faisant l’objet de l’engagement de revente entre son acquisition et sa revente, sans qu’il soit obligé d’attendre l’écoulement du délai de 5 ans pour constater la déchéance de cette exonération : une société qui vend son bien immobilier est immédiatement déchue de cette exonération peu importe qu’elle rachète ensuite un nouveau bien avant le délai de 5 ans.
Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Arrêt de la Cour de cassation, Ch.Com du 24 novembre 2021, 19-17.281
BIC : requalification d’une opération en marchand de biens et importance de la preuve de l’intention spéculative au moment de l’acquisition
L’activité de marchand de biens consiste à acheter en vue de les revendre des immeubles, fonds de commerce, actions ou parts de sociétés immobilières. Les bénéfices de cette activité relèvent du régime des « BIC » (article 35 I 1° du CGI).
Pour relever de cet article, les opérations doivent présenter un caractère habituel et procéder d’une intention spéculative (BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 §30).
Dans un arrêt du 22 décembre 2021, le Conseil d’Etat rappelle que la preuve de l’intention spéculative au moment de l’acquisition est indispensable pour requalifier une opération en activité de marchand de biens. Pour en savoir plus, consultez notre brève sur le sujet ici.
Conseil d’État, 22 décembre 2021 n°451005
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